21

Il était 7 h 45 lorsque Smithback sortit de l’immeuble qu’il occupait avec Nora sur End Avenue. II leva la main et un vieux taxi jaune qui attendait au coin de la rue s’approcha. Smithback y prit place en soupirant.

— Au New York Times, 44e Rue et 7e Avenue, le chauffeur, un grand gaillard au teint olivâtre avec des cheveux noirs et une vilaine peau, grommela quelques mots dans une langue inconnue et démarra dans un long crissement de pneus.

Smithback s’enfonça sur la banquette en regardant d’un air distrait les immeubles qui déblaient par la fenêtre. À cette heure, il aurait dû dormir tranquillement dans son lit, sa femme dans les bras ; mais le souvenir de Bryce Harriman, un sourire fat aux lèvres dans le bureau du rédacteur en chef, l’avait incité à se lever de bonne heure.

Je vous demanderai de vous tenir mutuellement informés de vos découvertes. Tu parles, Smithback savait très bien que jamais Harriman ne lui refilerait ses tuyaux, et il n’avait pas l’intention de se montrer plus généreux. Le temps de s’assurer qu’il n’y avait rien de neuf au bureau et il se mettrait en chasse. Son papier de la veille n’était pas terrible, il lui fallait impérativement trouver quelque chose à se mettre sous la dent, Pas n’importe quel moyen, quitte à acheter une saleté d’appartement dans l’immeuble de Duchamp. Après tout, c’était peut-être une idée. Il lui suffisait d’appeler une agence immobilière et de se faire passer pour un acheteur potentiel ...

Le chauffeur tourna clans la 72e Rue sur les chapeaux de roue.

— Hé ! Faites un peu attention ! s’énerva Smithback. J’ai une vieille blessure de guerre qui me fait souffrir.

Curieusement, le chauffeur avait repoussé la vitre coulissante séparant l’habitacle en deux. Le taxi sentait un mélange d’ail, d’oignon et de cumin. Smithback voulut descendre sa fenêtre, mais la vitre voulait à peine s’ouvrir, ce qui eut le don de l’agacer.

En fin de compte, il avait bien fait de se lever tôt. Nora était de mauvais poil depuis plusieurs jours. Elle travaillait au Muséum jusqu’à des heures indues et manquait visiblement de sommeil. Sans parler de l’échange qu’elle avait eu avec Margo Green l’autre soir aux Vieux Os. Le souvenir de leur rencontre électrique lui restait en travers de la gorge. Margo était une vieille copine et il aurait bien aimé que les deux femmes puissent s’entendre. Pas étonnant, se rassura-t-il. Elles ont le même caractère.

Le taxi arrivait à hauteur du West Side Highway, le long de l’Hudson. Mais au lieu de prendre à gauche en direction de Midtown, le chauffeur s’engagea sur la voie rapide.

— C’est pas vrai ! s’exclama Smithback. Hé, vous allez du mauvais côté !

Pour toute réponse, le chauffeur appuya sur l’accélérateur et multiplia les queues de poisson afin de se glisser sur la file de gauche, déclenchant dans leur sillage un concert de coups de klaxon.

Eh merde ! Ce crétin parle encore plus mal anglais que je ne le pensais, se dit Smithback en frappant du poing la vitre en plexiglas.

— Vous allez du mauvais côté. Vous comprenez ce que je dis ou quoi ? Du... mauvais... côté ! Je vous ai dit la 44e Rue. Sortez à hauteur de la 95e et faites demi-tour !

Mais le chauffeur fonçait comme si de rien n’était en slalomant dangereusement entre tes voitures. Quelques instants plus tard, il dépassait sans ralentir la sortie de la 95e Rue.

Smithback sentit sa gorge se nouer. Mon Dieu ! On est en train de m’enlever ! Il voulut ouvrir sa portière, mais la poignée avait été retirée.

Il se mit à cogner de plus belle sur la vitre.

— Arrêtez tout de suite ! hurla-t-il alors que le chauffeur- prenait un virage à la corde en faisant crisser les pneus de l’auto.

Faute de réponse, Smithback sortit son portable, décidé à appeler police secours.

— Ne faites pas ça, monsieur Smithback, lui commanda le chauffeur. Je peux vous assurer que vous êtes entre de bonnes mains.

Smithback, prêt à composer le 911, s’arrêta subitement. Il connaissait cette voix. Et ce n’était pas celle d’un chauffeur de taxi étranger.

— Pendergast ? prononça-t-il d’une voix incrédule.

Le chauffeur acquiesça sans tourner la tête, l’œil rivé au rétroviseur.

Pendergast ! pensa, le journaliste. Pourquoi faut-il que je me sente mal chaque fois que nos routes se croisent ?

— Si je comprends bien, la rumeur était injustifiée.

— La rumeur de ma mort ? Parfaitement injustifiée.

Le taxi roulait à plus de 160 kilomètres heure. À travers la vitre de Smithback, les voitures qu’ils dépassaient laissaient des taches de couleur éphémères.

— Ça vous ennuierait de me dire ce qui se passe ? Pourquoi ce déguisement ? Vous vous êtes évadé d’une prison turque, ou quoi ? Euh... si je puis me permettre, ajouta-t-il aussitôt.

Pendergast lui lança un coup d’œil dans le rétroviseur.

— Je vous conduis dans un endroit où vous serez en sécurité.

Smithback ne comprit pas immédiatement.

— Vous me conduisez où ? !

— Un tueur cherche à vous assassiner. La menace est suffisamment grave pour que je me voie contraint de prendre des mesures exceptionnelles.

Smithback hésitant entre la peur et l’étonnement, vit passer dans un éclair la sortie de la 125e Rue.

— Un tueur ? À mes trousses ? Pour quelle raison ? demanda-t-il en recouvrant sa voix.

— Moins vous en saurez, mieux vous vous porterez.

— Comment pouvez-vous savoir que je suis en danger ? Je ne vois pas qui l’aurais pu énerver à ce point. Ces derniers temps, en tout cas.

Le taxi passa en trombe devant l’usine de traitement des eaux de North River et Smithback crut reconnaître la silhouette austère de la vieille demeure du 891 Riverside Drive, de l’autre côté de Riverside Park.

La voiture volait littéralement sur la voie rapide. Smithback chercha en vain une ceinture de sécurité. Des deux côtés du taxi, les autos donnaient l’impression de faire du sur-place, Comment cette vieille guimbarde peut-elle rouler aussi vite ? s’étonna Smithback intérieurement, à moitié terrorisé,

— Je refuse d’aller plus loin tant que vous ne me direz pas de quoi il retourne. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais je suis marié.

— Ne vous inquiétez pas pour Nora. On lui expliquera que le Times vous a envoyé sur un reportage et que vous n’êtes pas joignable. Je m’en chargerai personnellement.

— D’accord, mais que comptez-vous dire au Times ? Je dois couvrir une affaire de première importance.

— Vous êtes gravement malade, ils vont recevoir un certificat médical en bonne et due forme.

— Pas question ! Vous ne connaissez pas l’ambiance qui règne au journal. Qui va à la chasse perd sa place, et peu leur importe que je sois mourant.

— On vous confiera d’autres affaires.

— Pas aussi intéressantes. Écoutez, monsieur Pendergast, je vous dis... merde !

Smithback s’agrippa tant bien que mal alors que le taxi, zigzaguant dangereusement entre les voitures, évitait de justesse la collision avec un camion chargé de troncs d’arbres. Rivé à son siège, le journaliste ne pipait mot.

Comme Pendergast regardait à nouveau dans le rétroviseur, Smithback se retourna et remarqua une Mercedes noire qui les suivait à quatre ou cinq voitures de distance.

Paniqué, il fit à nouveau face à la route, le temps d’apercevoir une voiture de police garée sur la bande d’arrêt d’urgence. Le flic, occupé à dresser un procès-verbal au propriétaire d’une camionnette, les regarda passer d’un air ahuri et se précipita à son volant.

— De grâce, ralentissez ! étouffa-t-il, mais Pendergast poursuivait sa route comme si de rien n’était.

Derrière eux, la Mercedes aux vitres teintées ne cédait pas un pouce de terrain, bien au contraire.

Les panneaux de l’Interstate 95 et du George Washington Bridge étaient en vue.

— Je vous conseille de vous accrocher, monsieur Smithback. lui cria Pendergast, tentant de couvrir le rugissement du moteur.

Les deux pieds solidement plantés sur le tapis de sol, à moitié paralysé par la peur, Smithback se cramponna à la portière.

La circulation se faisait plus dense à l’approche de l’embranchement entre le Bronx et le New Jersey. Pendergast ralentit tout en gardant un œil sur la Mercedes dans son rétroviseur. Profitant d’une ouverture, il traversa brusquement les quatre files et se glissa sur la bande d’arrêt d’urgence, provoquant une tempête de coups de freins et de coups de klaxon rageurs. Accélérateur au plancher, il remonta la file des voitures à toute vitesse, faisant voler derrière lui des canettes vides et des enjoliveurs.

— Sacré nom de Dieu ! hurla Smithback. .

La bande d’arrêt d’urgence se rétrécissait devant le taxi, mais au lieu de ralentir. Pendergast poussa son moteur encore un peu plus. Les pneus mordirent sur le bas-côté et la voiture se cabra dangereusement, poursuivant sa course cahin-caha le long du muret de béton.

Loin derrière eux, le hurlement d’une sirène retentissait.

Pendergast freina brutalement, exécutant un dérapage contrôlé qui lui permit de se glisser entre deux voitures sur le Trans-Manhattan Expressway. Sans attendre, il changea brutalement de file et Smithback se retrouva projeté de l’autre côté de la banquette. Pendergast changea à nouveau de file à deux reprises en accélérant, et le taxi passa en trombe devant les barres des cités.

Cinq cents mètres plus loin, des lumières rouges clignotaient à l’entrée du Cross Bronx Expressway, forçant le trafic à ralentir. La file de droite, fermée pour travaux et neutralisée à l’aide de cônes orange ; était vide. Pendergast s’y rua sans hésiter, faisant valser les cônes de tous côtés.

Smithback se retourna. En dépit de tous les efforts de Pendergast, la Mercedes noire les suivait toujours, à quelques voitures d’écart. Beaucoup plus loin, deux véhicules de police tentaient désespérément de les rattraper, gyrophares et sirènes allumés.

Le journaliste se trouva à nouveau projeté de côté. Sans crier gare, Pendergast venait de se jeter sur la bretelle du Harlem River Drive à près de cent soixante à l’heure. Le taxi fit une embardée dans un long crissement de pneus et la carrosserie racla violemment le muret de béton dans une gerbe d’étincelles, avec un bruit de tôle froissée,

— Espèce de cinglé ! Vous allez nous tuer si... !

Un violent coup de frein fit taire Smithback. Le taxi se cabra et franchit en cahotant la bordure séparant la bretelle de sortie de la voie opposée qui rejoignait un petit pont sur la Harlem River, La voiture tangua dangereusement, mais Pendergast parvint à la redresser in extremis. Reprenant de la vitesse, il franchit le pont en un éclair et se faufila dans le dédale des petites rues du South Bronx.

Le cœur au bord des lèvres, Smithback jeta un coup d’œil par la lunette arrière. À son grand étonnement, la Mercedes était toujours là, et elle regagnait rapidement le terrain perdu. Au même instant, le conducteur de la berline descendit sa vitre et un petit nuage de fumée s’éleva, suivi d’une détonation.

Le rétroviseur du taxi côté passager explosa avec un bruit sourd dans une pluie de verre et de plastique, littéralement arraché par un projectile de gros calibre.

— Saloperie ! hurla Smithback.

— Baissez-vous, lui ordonna Pendergast.

Le conseil était inutile car le journaliste s’était déjà jeté à plat ventre au pied de la banquette en se protégeant la tête des mains.

La poursuite était plus impressionnante encore depuis ce refuge précaire. Dans l’impossibilité de rien voir, ballotté de tous côtés, Smithback suivait les péripéties de la course en comptant les coups de volant et les accélérations brutales, les coups de klaxon désespérés et les invectives en anglais et en espagnol qui lui parvenaient par bribes au fur et à mesure des acrobaties routières de Pendergast, avec en bruit de fond les sirènes de police. Propulsé contre l’armature des sièges avant par les coups de frein, projeté contre la banquette arrière par les accélérations, il vivait un véritable calvaire.

Au bout de quelques minutes interminables, la voix de Pendergast le tira de son hébétude :

— Monsieur Smithback, je vais vous demander de vous relever très lentement.

Le journaliste obtempéra du mieux qu’il le pouvait en s’agrippant au siège. Le taxi zigzaguait à toute allure sur une large avenue dans un barrio miséreux du Bronx. Machinalement, il regarda par-dessus son épaule. La Mercedes, accrochée à leur sillage, faisait du slalom entre les camionnettes de livraison, et une demi-douzaine de voitures de patrouille fermait la marche.

— Nous allons bientôt nous arrêter, expliqua Pendergast. Je vous demanderai de descendre de voiture le plus rapidement possible et de me suivre.

— Vous suivre... ? répéta bêtement Smithback, terrorisé.

— Je vous en prie, faites ce que je vous dis. Marchez derrière moi, le plus près possible. Nous sommes d’accord ?

— Oui, balbutia Smithback.

Devant l’auto, la rue se terminait en cul-de-sac face à un épais grillage surmonté de fil de fer barbelé dans lequel s’ouvrait une barrière. Derrière la clôture s’étendait un terrain de plusieurs hectares rempli de voitures, de camionnettes et de 4x4 de toutes marques et de tous modèles, serrés à se toucher. Au-dessus du grillage s’étalait en grosses lettres sur un écriteau usé : Préfecture de police- fourrière de Mott Haven.

Pendergast sortit de sa poche un petit émetteur. Tout en conduisant, il composa un code sur le clavier et la barrière s’ouvrit lentement. Comme il ne faisait pas mine de ralentir, Smithback se cramponna à la portière en serrant les dents et le taxi franchit l’obstacle de justesse avant de s’arrêter à quelques centimètres des premières rangées de voitures dans un crissement de frein. Sans même couper le moteur, Pendergast se précipita dehors et se mit à courir en faisant signe à Smithback de le suivre. Le journaliste se rua à sa suite à travers le labyrinthe de voitures en direction du fond de la fourrière. Pendergast volait à travers les autos et Smithback avait le plus grand mal à le suivre.

Au terme d’une course de près d’un kilomètre, Pendergast s’arrêta devant la dernière rangée de véhicules, à une quinzaine de mètres de l’enceinte grillagée, sortit une clé de sa poche, déverrouilla les portières d’une vieille fourgonnette Chevrolet et fit signe à Smithback de monter à l’arrière. Sans attendre, il se précipita derrière le volant, mit le contact et démarra sur les chapeaux de roue.

— Tenez-vous bien, recommanda-t-il à son passager en fonçant sur le grillage.

— Non ! !! hurla Smithback. Vous ne passerez jamais, vous allez nous... Saloperie !

Il eut tout juste le temps de se protéger le visage avant l’impact.

Un choc violent, un fracas métallique, et la fourgonnette franchit l’obstacle sans grand dommage, à la stupéfaction de Smithback qui baissa les bras et releva la tête, le cœur battant à tout rompre. En se retournant, il vit dans la clôture un grand trou rectangulaire.

— Les poteaux métalliques avaient été découpés et sommairement ressoudés, lui dit Pendergast en guise d’explication tout en s’enfonçant à une vitesse normale dans un dédale de ruelles.

Tout en tenant le volant d’une main, il commença par retire sa perruque avant d’essuyer son maquillage à l’aide d’un mouchoir en soie. Derrière eux, la Mercedes et les voitures de police avaient disparu.

— Aidez-moi, je vous prie.

Smithback se glissa sur le siège avant et aida Pendergast à retirer le vieux caban brun tout taché qui dissimulait sa chemise blanche et sa cravate.

— Passez-moi ma veste, voulez-vous ?

Smithback découvrit une veste de coupe impeccable sur un cintre accroché au dossier de son siège. Il la tendit à Pendergast qui l’enfila sans attendre.

— Si je comprends bien, vous aviez tout prévu, remarqua Smithback.

Pendergast s’engagea sut la 138e Rue Est.

— Dans ce genre d’affaire, la survie dépend de votre sens de l’organisation.

— Vous avez attiré le type à la Mercedes dans le seul endroit où il ne pourrait pas nous suivre, sachant qu’il n’avait aucun moyen de contourner la fourrière. Bien joué.

— Il est possible de la contourner, mais cela implique un détour de plusieurs kilomètres à travers des rues très fréquentées, expliqua Pendergast en prenant la direction du Sheridan Express way.

— Mais qui était ce type, et pour quelle raison veut-il me tuer ?

— Je vous l’ai déjà dit, moins vous en saurez, mieux vous vous porterez, je suis toutefois surpris du tour qu’ont pris les choses. Cette course poursuite, ce coup de feu, cela ne lui ressemble guère. Il aura sans doute agi en désespoir de cause en voyant sa proie lui échapper.

Se tournant vers son interlocuteur, il ajouta, l’air laconique :

— Alors, monsieur Smithback. Enfin convaincu ?

Smithback hocha la tête d’un air pensif.

— Je me demande tout de même ce que j’ai bien pu faire.

— Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre.

Le cœur de Smithback recommençait tout juste à battre normalement, Ce n’était pas la première fois qu’il côtoyait le danger en compagnie de Pendergast, et il savait que jamais ce dernier ne l’aurait entraîné sans raison dans une telle aventure. D’un seul coup, son avenir au times se trouvait relégué au second plan.

— Passez-moi vos papiers et votre téléphone portable, je vous prie.

Smithback obtempéra sans réfléchir. Pendergast les rangea dans la boîte à gants et lui tendit en échange un magnifique portefeuille en cuir.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Votre nouvelle identité.

Smithback ouvrit le portefeuille. Il ne conterait pas d’argent, maïs une carte de sécurité sociale et un permis de conduire délivré dans l’État de New York.

— Edward Murdhouse Jones ? lut-il

— Exactement.

— Vous auriez pu trouver un nom un peu moins cliché que Jones.

— Bien au contraire, mon cher Edward, j’ai pensé que c’était le plus sûr moyen de vous en souvenir.

Smithback fourra le portefeuille dans la poche arrière de son pantalon.

— Combien de temps va durer ce cirque ?

— Pas longtemps, je l’espère.

— Mais encore ? Un jour ? Deux jours ?

Pendergast ne répondit pas.

— Et d’abord, où va-t-on ? insista-t-il.

— A River Oaks.

— River Oaks ? ! Cette espèce d’asile pour millionnaires ?

— Vous êtes désormais le fils d’un important banquier d’affaires de Wall Street. Vous souffrez de troubles mentaux et vous avez le plus grand besoin de repos, loin du rythme échevelé de notre monde moderne.

— Hé ! Attendez une minute ! Ne comptez pas sur moi pour entrer volontairement dans un hôpital psychiatrique,

— River Oaks est une véritable oasis de luxe. Vous y disposerez de votre propre chambre et de repas dignes du gourmet le plus exigeant, le tout dans un cadre idyllique. Le parc est de toute beauté, même s’il est actuellement recouvert de cinquante centimètres de neige. L’établissement dispose de tout le confort imaginable : sauna, bibliothèque, salle de jeu. Le bâtiment lui-même est une ancienne demeure des Vanderbilt au cœur du comté d’Ulster. Quant au directeur, c’est un homme aussi charmant que dévoué. Mais surtout, River Oaks est un refuge idéal pour un homme tel que vous, traqué par un tueur impitoyable,

Smithback poussa un soupir,

— Le directeur est au courant, au moins ?

— Il sait tout ce qu’il doit savoir. Vous serez traité royalement, je puis vous l’assurer.

— Je vous préviens, je ne veux ni médicaments, ni camisole de force, ni électrochocs,

Pendergast ébaucha un sourire.

— Rien de ce genre, vous pouvez me faire confiance. On sera aux petits soins pour vous. Une heure d’entretien par jour, c’est tout. Le directeur connaît parfaitement votre dossier, j’ai également veillé à vous acheter des vêtements qui devraient vous convenir.

Smithback ne répondit pas tout de suite.

— Vous avez bien parlé de repas gastronomiques, c’est ça ?

— À satiété.

— Mais Nora ! s’exclama soudain Smithback. Elle va s’inquiéter.

— Je vous l’ai dit, vous effectuez officiellement une mission confidentielle pour le Times. Avec le travail qui l’attend à la veille de l’exposition, c’est tout juste si elle s’apercevra de votre absence.

— Si je suis en danger, elle l’est aussi. Je dois la protéger.

— Je puis vous assurer que Nora ne court actuellement aucun danger. En revanche, elle pourrait bien partager votre sort si vous continuez à vivre à ses côtés. N’oubliez pas que la cible, c’est vous. Vous lui rendrez service en vous éloignant temporairement d’elle.

— Peut-être, mais c’est une catastrophe pour ma carrière au Times.

— Vous n’aurez guère l’occasion de faire carrière si vous disparaissez prématurément, remarqua Pendergast, philosophe.

La bosse que formait le portefeuille dans sa poche rappela brusquement à Smithback sa nouvelle identité. Edward Murdbouse Jones !

— Je suis désolé, mais cette histoire me déplaît souverainement, grommela-t-il.

— Que cela vous plaise ou non, je suis en train de vous sauver la vie.

Smithback ne répondit pas.

— Nous sommes bien d’accord sur ce point, monsieur Smithback ?

— Oui, reconnut du bout des lèvres un Smithback décomposé.

[Aloysius Pendergast 06] Danse De Mort
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